Je crève d'envie de lui dire qu'il se trompe mais ce serait mentir. D'un autre côté, ce n'est pas comme si je pouvais me contenter de lui dire « non, en effet, je ne t'aime plus comme tu le souhaiterais » parce que cela ferait très certainement de moi la dernière des garces vivant encore en ce bas monde. Et William mérite mieux que d'entendre ce genre de choses terribles. Même si elles sont véridiques. En général, je n'ai pas peur de m'adresser aux gens en leur disant ce que j'ai sur le cœur sauf qu'aujourd'hui, il ne s'agit pas de n'importe qui, il s'agit de William. Et je ne peux pas m'adresser à William comme je m'adresserai à tout le monde. Non, sans quoi cela se ferait sans la moindre impunité et, là encore, c'est hors de question.

Seule la larme qui vient couler le long de ma joue parle pour moi et traduit une vérité que je n'ose avouer de vive voix. Je suis fatiguée de cette situation dans laquelle nous sommes tous deux plongés depuis trop longtemps maintenant. Il faut que je rentre à New York, que j'aille prendre une douche et que j'aille me coucher. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, je crois que j'ai besoin d'être seule ce soir, donc je vais rester à l'appartement et non me rendre chez Aleksej chez qui mon chien est pourtant. Ils s'entendent suffisamment bien pour se supporter une nuit de plus, je pense.

- Tu n'as pas idée d'à quel point tu mérites une femme formidable, Will, dis-je avant de lui caresser la joue et de la lui embrasser.

Il faut que je parte, il faut que j'arrête de me détruire comme ça pour aujourd'hui. J'ai fait suffisamment de dégât comme cela, qu'il s'agisse de mon cœur ou de celui-ci de l'Irlandais dont je sais que je l'ai brisé. Par égoïsme et par incapacité de m'adapter à un mode de vie différent du mien. J'ai refusé de changer mes habitudes pour un homme qui était prêt à tout pour moi. Qu'est-ce que cela dit de moi, au juste ? Cela fait-il de moi un monstre dénué de tout sentiment ? Je finis sincèrement par me poser la question. Pas sûr cependant que j'ai un jour la réponse.

- Fais attention à toi, ajouté-je finalement avant de tourner les talons.

Quand je croise Alice dans le couloir, je lis dans son regard toute l'inquiétude qu'elle a pour moi. Je secoue la tête comme pour lui dire « ça va aller, t'en fais pas » mais nous savons elle comme moi que tout est plus compliqué. Je vais réellement avoir besoin de temps pour me pardonner ce que j'ai fait à William, que cela ait été volontaire ou non.

- Tu rentres ? Me demande-t-elle simplement.
- Dis à tout le monde que je les embrasse, d'accord ?

Alice me prend dans ses bras et me laisse filer.
J'attrape mon sac à main et vérifie que j'ai toutes mes affaires dedans pour rentrer, ce qui est le cas. Quelques instants plus tard, je suis au volant de l'Audi, prête à repartir à New York. Il faut que je dorme.