A tous points de vus, lorsqu'elle est née, Ailis avait tout pour avoir une parfaite et heureuse vie. Née à Edimbourg dans une famille riche, tout laissait présager que son chemin ne serait qu'un long fleuve tranquille. Entourée de deux parents aimants, éduquée comme une fille de bonne famille, elle était le diamant brut que les Mackenzie avaient rêvés de pouvoir tailler à leur image. Polie, élégante, serviable, cultivée. Douée en tout, avec un esprit critique développé par son goût pour les arts quels qu'ils soient - surtout parce qu'on l'avait fortement orientée vers cette voie à peine avait elle pu apprendre à parler, cela va s'en dire. Une future intellectuelle sans nul doute, vouée à une grande carrière. Un rêve, surtout pour Colin Mackenzie, homme politique en croissance, candidat aspirant à la mairie d'Edimbourg. Une jolie petite tête rousse à afficher à ses électeurs aux côtés de sa fidèle et merveilleuse femme, son premier soutien dans sa quête de pouvoir. Un beau tableau qui n'aura cependant pas été éternel... mais plutôt de courte durée au contraire. Il n'aura fallut que cinq ans pour que tout implose. La découverte de multiples trahisons, tromperies des plus banales de la part du père. Un homme avide de pouvoir n'aurait su se contenter d'une seule et unique femme. Pour l'audience, en revanche, la faute était féminine. C'est la mère d'Ailis qui a été affichée comme une pauvre traîtresse, Colin se retrouvant en position de victime. Le pauvre homme, abandonné par celle qui s'était promise à lui jusqu'à sa mort. Acte maladroit ou scénario calculé, il n'en restait pas moins que quelques mois après, l'homme se retrouvait à la tête de la ville, ayant récupéré les votes de sympathie. Plus besoin d'une quelconque famille à afficher, son objectif était atteint. Ce qui est sûr, c'est que de cette époque bénie, Ailis ne gardera aucun souvenir. Pour réussir à échapper à ces accusations et au harcèlement qui devenait de plus en plus vif, c'est à Londres que mère et fille s'en allèrent vivre. Leur but : tout recommencer à zéro. Pas compliqué lorsqu'on se fait verser une gracieuse pension tous les mois en plus d'un emploi stable. Mais revigorée par ce nouvel environnement et ces possibilités infinies de renouveau, prise par le temps de son emploi, la mère d'Ailis ne pouvait plus se charger d'elle seule. La solution miracle des deux co-parents fut trouvée rapidement : un couvent. Un abandon semi avoué, la mère ayant préféré se concentrer sur sa nouvelle vie anglaise. Pour la jeune rousse, ça n'en restait pas moins un abandon, lui laissant un goût amer. Laissée à l'éducation de bonnes soeurs despotiques, elle n'a jamais compris en quoi ce choix semblait être une bonne idée. Les bonnes manières ? Elle les avait apprises depuis toujours, sans avoir besoin de se faire battre comme au couvent. La religion ? Pourquoi pas, mais pourquoi devoir être forcée à croire en quelque chose ? Tout semblait faux, compliqué. Tout n'était que violences, épreuves et douleurs. Tout, sauf la douceur qui illuminait ses journées. Sauf ces moments volés avec le garçon de l'école d'en face. Peter, son seul et unique réconfort alors qu'elle se retrouvait lâchée entre ces murs froids et livides. Et alors qu'elle finissait tristement à s'habituer à sa vie prude et spirituelle, aux coups et aux menaces, on a finit par l'arracher à son seul point de repère. Des échos enfin ressortis sur les comportements inhumains des curés et des nonnes mirent fin au supplice de tout ces enfants confiés aux bras d'un christianisme remanié à l'image de personnes violentes. Un quotidien normal retrouvé pour la jeune Ailis, ovni dans ce monde totalement différent de celui auquel elle s'était doucement et difficilement fait pendant presque trois ans. La peur une fois dissipée, les souvenirs mis dans une jolie boîte au fond de sa tête, la juvénile n'avait plus qu'à essayer de grandir malgré son passé. Non loin d'en être devenue une faible adepte de jésus et ses disciples, elle état plutôt du genre à s'éloigner de tous les préceptes qu'on aurait pu lui enseigner jusqu'alors. Toujours bonne à l'école, toujours curieuse d'apprendre, toujours serviable et polie. Prête à avancer, Londres lui semblait pourtant de plus en plus étouffante. Alors, dès qu'elle a pu, l'écossaise s'est expatriée en Amérique. De toute manière, ses parents avaient prévu depuis des années son intégration à Columbia dans un cursus de commerce ou encore de droit. Acceptant d'entrer dans cette université, elle changea pourtant de direction en s'inscrivant en journalisme afin de s'assurer d'avoir toujours le pouvoir d'exposer les secrets horribles qu'elle découvrirait. Loin de ses parents a qui elle en voulait, loin de son passé qu'elle voulait oublier, Ailis finit par s'éloigner toujours plus de ce que l'on attendait d'elle. Femme libre de son destin et de ses actions, elle n'avait plus que pour seul objectif d'agir comme bon lui semblait. Un peu trop libre ces derniers temps d'ailleurs, il n'en faudrait que peu pour qu'elle finisse par se perdre définitivement dans ses frasques. Mais il est certain qu'elle réussira à surmonter ses démons et à trouver enfin l'équilibre qui lui était dû à sa naissance.