« Qu’est-ce que tu as encore fait ? » Tu peux deviner grâce à l’intonation de sa voix, le degré de son accablement ainsi que sa lassitude. Toi, ça te plait de la voir comme ça, ta mère. Ca te plait de savoir qu’en réalité tu la fatigues toi et tes conneries incalculables. Depuis quand tu t’es mis en tête de lui faire vivre un cauchemar ? Tu ne t’en rappelles plus. Peut-être depuis le jour de ta naissance. Ce jour où tu as chamboulé les plans de voyage de tes parents, décidant de pousser tes premiers cris deux semaines avant la date prévue. Tu n’en as fait qu’à ta tête en débarquant dans ce monde le jour de Noël. Et leurs emmerdes avaient commencé. T’étais un enfant franchement terrifiant. Tes parents ne comptaient plus le nombre de gouvernantes qui s’étaient désistées à cause de tes blagues ; brûler les cheveux d’une femme ? Tu l’as déjà fait. Mettre le bordel alors que la gouvernante venait de tout nettoyer ? Déjà fait et à maintes reprises. Cela te procurait un plaisir immense de voir leur désarroi. Ca te faisait rire alors que tu n’étais qu’un enfant. En grandissant, ton caractère indomptable et machiavélique ne s’était pas calmé, bien au contraire. Tes bêtises s’étaient étendues jusqu’à l’école et ensuite au lycée. Les plaintes fusaient de la part de tes profs comme les parents de tes camarades. Bagarreur, tu profitais de n’importe quelle situation pour cogner et clamer ta supériorité. Dans la discrétion la plus complète, tes parents t’avaient emmené voir un pédopsychiatre qui avait certifié ta sanité d’esprit. Oui, tu ne souffres d’aucune pathologie, tu es juste … mauvais. Il leurs avait tout de même encouragé à t’inscrire dans une activité sportive. Ton choix s’était porté sur le football américain. Quoi de mieux que de d’attaquer l’équipe adverse en usant de toute ta force ? Tu trouvais en ce sport, une façon comme une autre de canaliser ta rage interne tout en apprenant les règles. Et les règles, tu les as appliqué seulement dans ce sport. Dans ta vie de tous les jours, tes conneries ne s’étaient jamais arrêtées. Plus on te demandait de te calmer, plus tu faisais n’importe quoi. Un peu comme en ce jour où sur un coup de tête, tu as décidé de casser le matériel d’arrosage. Tes parents sont riches. Ils sont même exceptionnellement riches ; ton père est un homme politique influent quant à ta mère, elle est à la tête d’un grand cabinet d’avocat. Alors ils peuvent bien payer un autre mécanisme non ? « Bof rien. Le matériel se trouvait sur mon chemin tu vois alors … je n’ai pas eu le choix que de lui donner un coup de pied voilà tout. » Tu fais l’innocent bien sûr, elle en est consciente. Elle se contente de lever les yeux au ciel sous ton petit sourire faussement désolé.



Comment es-tu arrivé à perdre le contrôle de cette voiture ? As-tu réellement beaucoup bu ce soir là ou était-ce simplement le karma qui s’est retourné contre toi ? Répondre à ses questions ne change pas la réalité des choses. Tu es sur ce lit d’hôpital et tu souffres le martyr. Tu as peut-être fait le con dernièrement. Embrasser le danger était devenu une de tes activités préférées. Les courses de voitures clandestines, boire avant de prendre le volant voire même piquer la copine d’un pote, oui, c’est devenu ton quotidien pendant cet été. Après tout, tu as réussi tes études et certaines universités t’ouvrent les bras grâce à l’influence de ton père. Tu as tout de même décidé de ne pas y aller, tu as décidé de faire ce que tu voulais faire ; ne rien faire justement. Papa et maman payeront pour toi après tout, tel est leur rôle n’est-ce pas ? Ils t’avaient donné naissance pour prendre soin de toi. Toi, tu n’avais rien demandé à personne, ni toi ni ton frère et ta soeur. Cependant, les choses n’étaient pas passé comme tu l’as prévu. Cet accident de voiture avait endommagé l’un de tes reins et même si tu pouvais vivre avec un seul, ton père s’était porté volontaire pour faire des tests et t’en faire don de son organe. Voilà que ta mère s’était totalement opposée à cette opération clamant haut et fort avoir l’argent nécessaire pour passer ton nom en haut de la liste des patients en attente d’une greffe. Est-ce anodin de la part de ta mère ? Non, bien sûr que non. Tu connais tellement bien ce bout de femme pour savoir qu’elle ne dit jamais rien sans avoir calculé les conséquences. Et quelles sont les conséquences ? Tu l’ignores. Il n’y a qu’une seule vérité qui se trame dans ton esprit, celle que tes lèvres s’apprêtent à murmurer alors que la brune est sur le point de quitter ta chambre. « Il n’est pas mon père n’est-ce pas ? » En réalité, cette question n’est pas si surprenante. Tu ne ressembles pas à cet homme ni physiquement ni moralement. Tu es le seul à avoir les yeux bleus, la peau diaphane et la chevelure blonde dans tes frères et soeurs. On aurait dit que t’étais adopté mais non, tu es bien le fils de cette femme, tu le sais. Tu es juste le fruit d’une infidélité commise par elle. Avec qui ? Tu ne cherches pas spécialement à le savoir, tu t’en fous du sentimentalisme de la situation. Elle te regarde comme si elle te voyait pour la première fois. « Les médicaments te font dire n’importe quoi Jay. » Tu as presque envie de rire. Vous savez tous les deux que tu es sain d’esprit et ta question est tout bonnement légitime. Alors que tu regardes le plafond, tu hausses difficilement les épaules. « Ok. J’ai dix huit ans alors je peux demander un test de paternité. Ca te va ? » Tu n’es pas une flèche. Il t’a fallut toutes ces années pour te rendre compte que ton père n’est pas ton père. Mais maintenant que tu le sais, tu ne lâcheras pas l’affaire et ta mère est bien placée pour le savoir. D’ailleurs, elle revient sur ses pas après avoir fermé à clé la porte. Elle pose ses fesses sur une chaise et te regarde attentivement. « Qu’est ce que tu veux Elijah ? » Elle ne le dit pas clairement mais tu as gagné. Elle avoue son crime d’une manière implicite. Et cette fois, tu as les cartes en mains ; révéler la vérité ou te taire et lui faire du chantage. Tu choisis l’une de ces deux options, celle qui nourrira ta nature égoïste. « Pour commencer, quoi que je fasse je veux que mon casier reste vierge. Et je veux un rein bien sûr. » C’est pas trop demandé n’est-ce pas ? Cela dit, tu n’es pas au bout de tes surprises puisqu’elle attaque cette petite brune. Après tout, elle est l’associée du diable. « Bien. Mais dans ce cas, tu fais des études sachant que, si la vérité éclate, je ne serai pas la seule à tomber, n’est-ce pas ? » Elle n’a pas besoin de le dire pour que tu le comprennes ; tu n’auras plus tout cet argent qui te permet de faire des conneries et vivre confortablement. Tu sauras probablement pauvre car elle t’aidera pas. Tout comme elle, tu es piégée et tu n’as pas d’autres choix que d’accepter. Alors que tu hoches de la tête, tu comprends qu’en ce jour, vous venez d’avoir un pacte tous les deux.



« Putain on est grillés ! » « Du calme. » T’aurais dû avoir peur toi aussi après tout, conduire en état d’ivresse en ayant un sachet plein de cannabis sur toi ne représente pas un délit mineur. Tu risques gros toi et ton ami et pourtant, tu es si zen. Si calme. Tu souris même à cet agent qui s’approche de toi. Dès qu’il te voit, il te demande de rouler plus lentement avant de tapoter sur le capot de la voiture, te donnant ainsi la possibilité de partir. Sans demander ton reste, tu redémarres la voiture sous les sifflements ébahis de ton pote. Au moins, ta mère a tenu sa parole. Elle fait tout pour te sauver les fesses comme payer des centaines de dollars en guise de pots de vin à la police. Elle fait appel à ses connaissances à chaque fois pour te faire sortir de certaines situations chaotiques. En contrepartie, tu as accepté de faire des études supérieures à Columbia non sans laisser de côté tes agissements immatures. Ta dernière lubie ? Intégrer un gang new-yorkais. Tu n’as pas besoin de vendre de la drogue ou d’escroquer les plus faibles pour avoir du fric. Du pognon tu marches dessus, tu en as par milliers. Tu cherches seulement l’adrénaline du danger. Comme quoi, ton accident de voiture n’était pas arrivé à te calmer. Non, maintenant tu vois plus large, plus grand avec cette bande de racailles qui voient en toi un homme dur à cuire, un homme influent qui peut les aider à commettre leurs délits. C’est un donnant-donnant équitable selon toi. En journée, tu es ce jeune étudiant brillant mais quand le soleil se couche, tu arpentes les ruelles avec ce groupe de bandits. Toi, tu trouves ton compte et cette vie te plait comme elle est.