Maman tambourine à la porte tandis que papa s’avance vers moi avec sa ceinture. Je pleure à chaudes larmes tout en me recroquevillant dans le coin du salon. Je ne veux pas qu’il m’approche avec sa ceinture. Ça fait mal et pendant longtemps quand il me tape avec. Maman aussi va avoir mal longtemps, papa l’a frappé avant de l’enfermer dehors parce qu’elle ne le laissait pas m’enseigner les bonnes manières. Selon lui, c’est la seule manière pour que je finisse par comprendre, mais ce n’est pas vrai. Je comprends vite. Madame Thiffany dit que je suis très intelligent et que je vais aller loin dans la vie alors pourquoi papa ne le pense pas non plus? Je fais de mon mieux pour le rendre fier, mais ce n’est jamais assez. Et, maintenant, j’ai peur de lui. En même temps qu’il prend son élan pour me donner le premier coup de ceinture, la fenêtre se brise et un homme se jette sur papa avant de commencer à la frapper. Je me roule en boule contre le mur jusqu’à ce que l’homme s’approche de moi.

-Hey… T’en fais pas, t’as rien à craindre de moi, je ne te ferai aucun mal ok, je ne suis pas comme lui, je ne le serai jamais… Surtout pas avec toi… Je m’appelle Asa, je suis ton grand frère… Si ça te dit, on va allait se promener toi et moi, loin d’ici, tu veux bien ?

Je n’écoute pas maman, je n’écoute que lui. Je le reconnais pour l’avoir vu sur des photos que maman m’a montrées, mais c’est la première fois que je le vois en vrai. S’il est mon grand frère, pourquoi il n’est jamais venu à la maison? J’aurais aimé, moi, avoir un grand frère avec qui jouer… Mais, il est là maintenant et je ne réfléchis pas à deux fois avant de le suivre. Je ne veux pas rester avec papa plus longtemps. J’ai peur de lui. Mais, je suis triste de quitter maman. Je l’aime ma maman, moi. Je vais pouvoir continuer à la voir non ? Asa est mon grand frère alors il va pouvoir m’amener la voir non ? Je veux continuer à voir maman…

Asa m’a conduit chez lui et j’ai rencontré sa famille. Mais, sa famille, c’est papa, maman et moi non ? C’est ce que je me posais comme question jusqu’à ce qu’il m’explique qu’une famille peut être composé d’ami et il m’a même dit que c’était ma nouvelle famille. Je suis vraiment content! Il y a toujours quelqu’un pour jouer avec moi ou pour me donner des câlins. Je ne suis jamais seul! J’aime beaucoup cette nouvelle famille et je crois qu’eux aussi m’aiment bien. Je suis vraiment content maintenant. Même si maman me manque beaucoup…

Mon grand frère c’est le meilleur ! Les gens viennent le voir pour qu’il leur tatou quelque chose sur leur corps. Ça s’appelle du tatouage et c’est beau ! Asa en a plein sur lui. Moi aussi je vais en avoir pleins lorsque je vais être grand comme lui. J’aime les dessins, c’est pour ça que je m’applique à chaque fois que j’en fais un. Je veux devenir aussi bon que lui. Mais, je cache les dessins que je fais de mon père après un cauchemar. Je veux que personne ne les voit. Ces dessins sont pour moi. C’est une des serveuses de ma nouvelle famille qui m’a dit qu’elle écrivait dans son journal tous ses rêves et ses cauchemars, que ça l’aidait beaucoup à passer au travers de ses cauchemars. Je veux faire comme elle, mais je ne sais pas très bien écrire encore alors je les dessine. De toute façon, je préfère le dessin que l’écriture, c’est bien plus beau.

Il y a aussi un chanteur de métal dans ma nouvelle famille. Il m’a appris à lire une partition avant même que j’apprenne à lire ou presque. Il m’a aussi appris à jouer de la guitare et à chanter lorsqu’il a vu à quel point j’étais fasciné par ce qu’il faisait. Au début, je n’aimais pas trop sa musique, mais lorsqu’il m’a montré que tous les styles de musique passaient par une partition et que j’ai appris à les lire, mon amour pour la musique s’est multiplié. Je voulais toujours en apprendre plus. C’est à 7 ans que j’ai appris à lire des partitions. Ce ne fut vraiment pas facile ! À 10 ans, j’ai eu ma première guitare et il m’a appris à en jouer. En même temps, il me donnait des trucs pour que j’apprenne à chanter juste. À partir de ce moment, j’ai troqué mes dessins, lors de mes nuits d’insomnie après un cauchemar, par de la musique. J’en ai composé des mélodies pendant ces nuits ! Puis les mélodies se sont transformées en chanson. Mais je n’ai jamais rien montré, ce n’était rien de finaliser et je n’en étais pas fier. De toute façon, c’était juste pour occuper mes nuits d’insomnies et mes temps libres. Je préférais montrer mes dessins. D’eux, j’en étais vraiment fier !

Je retrouvais le sourire avec la musique et le dessin et avec l’art en général, mais plus que le temps passait, plus je le perdais lorsque je me retrouvais avec Asa. Il devenait de plus en plus sévère et chiant. Il jouait au père avec moi, de plus en plus, et je détestais ça. En fait, autant qu’il détestait le fait que je continuais à voir notre mère. Elle n’habitait plus avec notre géniteur alors je ne risquais pas de le croiser à nouveau. Je ne vois pas ce qu’Asa n’aimait pas dans tout ça. C’est ma mère, j’ai le droit de continuer à la voir non ? Ce n’est pas elle qui me frappait après tout.

En tout cas, j’avais besoin de m’éloigner, de me sentir libre à nouveau, comme lorsqu’il est venu m’arracher des doigts de notre géniteur. J’ai alors décidé de partir vivre un an au Québec grâce au programme d’AFS. 2014, une merveilleuse année. J’y ai connu ma première petite-amie. Malgré notre promesse de tout faire pour continuer à vivre notre amour malgré la distance, ça s’est terminé quelques mois après mon retour du Québec. Au moins, je revenais le cœur remplis de joie et la tête remplis de beaux souvenirs. Je parle encore à quelques amis que j’ai eus là-bas et même à cette fille quelques fois. Ça me permet de continuer à pratiquer mon français et ainsi de ne pas le perdre. En plus, ça me permet de continuer à partager mon amour pour le hockey avec des gens qui aiment ça autant que moi. Qu’est-ce qu’on en a jouer et regarder des games de hockey pendant cette année-là! Eh oui, l’année passée au Québec m’a complètement rendu accro à ce sport, encore plus qu’avant mon départ. Ça m’a redonné le goût d’y rejouer puisque j’y avais joué dans la ligue mineur. Malgré l’année passée là-bas, mon cœur va aux Rangers de New-York, même si j’aime bien les Canadiens de Montréal.

Asa était un peu moins sur mon dos à mon retour, mais ça n'a pas duré longtemps malheureusement. Alors j'ai recommencé à passer le moins de temps possible chez lui ou j'essayais de pas y être en même temps que lui. Grâce à la fac, je me suis fait de nouveaux amis qui avaient des apparts où je pouvais aller squatter leur canapé. Certains habitaient encore chez leurs parents, mais c'était correct aussi. Pourtant, je squattais et je squatte toujours plus chez mes plus vieux amis, je m'y sens plus à l'aise. Je me dis que je serais bien mieux dans mon propre appartement, mais Asa paye mes études et je n'ai pas envie de perdre cet avantage. Je n'arriverais pas à tout payer de toute façon si je pars. Je me dis, à la place, qu'il va finir par se calmer, qu'il va arrêter de jouer au père avec moi bientôt. Après tout, j'ai bientôt 22 ans, je suis majeur depuis presque un an maintenant, il serait temps qu'il s'en rende compte.

Maintenant, je commence ma dernière année de bac à l’école d’arts. Après le lycée, je ne savais pas quoi faire de ma vie. Je ne savais pas où aller travailler ni dans quoi continuer mes études. Comme l’art est tout ce qui me passionne, je me suis dit que je pourrais aller me spécialiser encore plus. C’est pour ça que je suis toujours sur un banc d’école. En revanche, je ne sais pas si je vais continuer à la maîtrise… Je trouve ça chiant un peu les cours et je crois que j’apprendrais beaucoup plus sur le terrain directement. Mais, ça, il me reste encore un an pour me décider, j’ai encore le temps de changer d’idée quinze fois. Peut-être que l’équipe de hockey de l’université dans laquelle je suis va me convaincre de rester plus longtemps sur les bancs d’école, qui sait ? Après tout, je ne sais pas où je pourrais jouer d’autre si je ne fais plus parti de cette équipe.