Elle se souvient de quand elle était enfant. Elle se rappelle les moments qu’elle passait à faire de la balançoire dans leur petit jardin familiale. C’était pas grand chose pour la plupart des gens mais pour elle, c’était important. C’était ce qui la rattachait à une vie normale la gamine qui n’était qu’une adoptée. Elle n’avait rien à faire ici, dans cette famille, dans cette belle maison, dans ce quartier bien trop huppé mais elle était était aimé. C’était un peu tout ce qui comptait à ses yeux de petite fille. Papa et maman n’étaient pas souvent là pour elle, le travail qu’ils disaient mais Ellen, elle s’en fichait un peu, elle savait qu’ils l’aimaient, elle le savait parce que chaque soir, quand elle était couchée et qu’ils rentraient seulement du travail, elle les entendait venir dans sa chambre, l’embrasser et lui murmurer qu’elle était la chose la plus importante à leurs yeux. Elle y a longtemps cru Ellen, une part d’elle y croit toujours d’ailleurs. Une petite fille en mal d’amour, c’est ce qu’elle est devenue avec le temps. On a du mal à y croire quand on la voit si souriante, quand on la voit croquer cette vie qui est sienne à pleine dent et pourtant, la vérité est bien différente de ce qu’on peut imaginer.

Ellen, elle a été une bénédiction pour cette famille qui l’a adopté. Ils ne pouvaient pas avoir d’enfant, elle a perdu ses parents avant même de voir le jour. Un cadeau pour tous cette adoption, ce qu’elle a toujours pensé en tout cas. Mais Ellen, elle était aussi de ces enfants un peu trop sûr d’eux, elle était de ces enfants têtus qui lorsqu’ils ont une idée en tête, ils ne l’ont pas ailleurs. Il y en a eu des crises pour tout et rien à la fois mais Ellen, elle avait toujours ce sourire, elle ne s’en défaisait jamais parce que tôt ou tard, elle savait qu’elle finirait par l’emporter. Gamine beaucoup trop têtue, elle leur en a fait voir de toutes les couleurs mais ils continuaient de l’aimer. Chaque soir ils continuaient de venir l’embrasser pour lui dire qu’elle était leur plus beau cadeau, qu’elle était tout pour eux et Ellen elle a continué de les croire, encore et encore. Naïve ? Elle ne la jamais été, elle l’a toujours fait croire en revanche. Le visage d’ange, la posture droite, on la pensait candide, c’était tout ce qu’elle désirait mais elle n’était rien de cette enfant sage qu’elle prétendait pourtant être. Non Ellen, elle était le feu et la glace à la fois. Elle était le jour et la nuit, enfermés en une seule et unique personne et c’est ce qui lui a toujours plu.

Mais papa et maman ont finis par ne plus y arriver. Papa et maman, ont dit stop le jour où elle a annoncé vouloir faire de la photographie, une de ses passions depuis enfant, son métier. La réponse a été clair, c’était négatif. Elle ne serait pas photographe car pour elle, pour le rang social et l’image de ses parents, ce n’était pas assez bien. Ils ont dit ça à une gamine de quinze ans, qu’est-ce qu’elle en avait à faire elle de l’image que cela donnerait à ses parents qu’elle devienne plus tard une photographe. De la finance. Elle a rit quand ils lui ont annoncé ça. Elle devra faire de la finance quand elle entrera à l’Université. Tout ce qu’elle a toujours détesté parce que c’est ce monde qui lui a volé ses parents lorsqu’elle n’était qu’une enfant. C’est à cause de la finance qu’ils n’étaient jamais à la maison et qu’elle vivait au crochet de celle qui l’a vraiment élevé, sa nourrice. Elle lui a toujours tout dû, cette femme était la seule à savoir quoi faire quand elle allait mal et c’est pour ça que pour Ellen, ses parents adoptifs n’ont pas vraiment leur mot à dire sur ses choix d’avenir.

Le problème avec Ellen, c’est qu’elle voit toujours le verre à moitié plein. Elle a l’optimisme de dans la peau alors elle a toujours un peu espéré qu’ils changent d’avis, qu’ils la laissent faire ce qu’elle pouvait bien vouloir de sa vie. Grosse erreur et c’est là que tout fut finis. Elle avait pris sa décision, elle devait partir. La vie en Californie n’était plus pour elle, pas avec des parents qui désiraient dicter sa vie et contrôler ses gestes. Et puis Ellen, elle ne serait pas seule, elle savait où elle allait bien que cela fut de la folie. New-York, c’était l’autre bout du monde pour elle, juste l’autre bout du pays à vrai dire. La peur, elle ne l’a pas ressentis, seulement une fois là-bas, quand elle s’est retrouvée à ne pas savoir quoi faire, à ne pas savoir où elle. Elle n’avait qu’un bout de papier avec un nom dessus et elle était résignée à ne pas y aller. Aiden Rodriguez. Même patronyme qu’elle, celui qu’elle a choisit de prendre car ce sont ses racines. On pourrait facilement croire à une coïncidence et pourtant, c’était bien loin d’entre être une. La gamine a toujours su avoir été adopté, ses parents ne lui ont jamais caché. Mais c’est seulement quand elle a été en âge de comprendre que les choses ont véritablement changé pour elle. Des recherches, elle en a fait, beaucoup. Certaines ont porté leur fruit, d’autres n’ont été que des échecs. Mais c’est comme ça qu’elle a découvert avoir un frère, c’est comme ça qu’elle a réussi à en savoir plus sur ses origines. La voilà la vraie raison de son départ pour New-York. Elle a un frère, elle a pris la décision de le rejoindre bien qu’elle ne sache pas grand chose de lui.

Elle est un soleil à New-York. Elle respire la joie de vivre, elle fait ce qu’elle aime et c’est tout ce qui compte. Mais il y a toujours cette ombre au tableau. Bientôt deux ans qu’elle est à New-York, elle a rencontré son frère et pourtant, elle n’a jusque là pas été capable de lui faire savoir qui elle était vraiment. Elle ne sait même pas s’il sait qu’il a une soeur alors le silence, elle l’a gardé, elle apprécie bien trop sa compagnie pour tout gâcher la jeune enfant. Ca viendra un jour, elle se le répète, elle s’en convainc en tout cas, sans vraiment savoir si elle a raison ou non.