Je secoue la tête en l'entendant parler de scepticisme. Ca n'en est pas. Je tiens juste à être sûre qu'Aleksej ne se force en rien. J'ai suffisamment subi en amour pour savoir qu'accepter d'entrer dans une nouvelle histoire n'est pas rien et que cela peut engendrer beaucoup de choses. Parfois même des complications.

- Je serai ravie de faire sa connaissance mais je ne veux pas que tu te sentes obligé de le faire, c'est tout.

Le fait de l'entendre me dire que cette femme le rend heureux me rassure mais cela n’apaise pas pour autant toutes mes craintes au sujet de cette histoire. En effet, parce que tout a été très vite entre Solveig et Aleksej, je veux m'assurer que les choses se pérennisent, qu'elles tiennent dans le temps. Il me serait insupportable de retrouver mon ami au fond du trou à cause d'une femme. Je sais combien nous pouvons être dures, parfois et ce, même sans forcément le vouloir. Et vu le passé de cette femme, je tiens tout de même à ce que le danois reste un minimum sur ses gardes. Mieux vaut prévenir que guérir comme disent les autres.

- Essayons d'organiser une rencontre quand les choses se seront tasser de mon côté. Je suis un peu...débordée, avoué-je finalement.

Je joue les bonnes samaritaines qui parvient à garder le cap mais ce n'est pas aussi simple que ce que je laisse croire. Il y a des matins où je n'ai pas forcément envie de quitter la chaleur de ma couette mais je finis par le faire car deux vies dépendent maintenant de la mienne.

- Je suis heureuse que tu sois heureux mais je ne vais pas pouvoir m'empêcher de jouer les mères couveuses même avec toi.

Il a beau être plus âgé, cela ne changera pas grand-chose. Je suis comme ça et ce n'est pas maintenant qu'on parviendra à me faire changer de comportement à l'égard de ceux à qui je tiens.

Aleksej voyait bien qu’elle restait méfiante. Peut-être était-ce de sa faute. Sa capacité à rendre tout compliqué. Il avait été sur la réserve au départ. Il n’avait même pas voulu en entendre parler à vrai dire. C’est vrai que ce revirement de situation pouvait sembler soudain. Peut-être qu’il l’était. Mais en l’espace de deux mois, il avait partagé plus avec elle avec n’importe qui en quinze ans. Ses crises de panique, leurs flirts, le décès de son père, leur passé respectif, le confinement, la naissance de Jaime aussi…

Ils avaient abordé des sujets aussi sérieux que leur carrière, le fait d’avoir des enfants… Ce n’était pas anodin. Pas pour lui en tout cas. Ce qu’une professionnelle s’évertuait à extirper d’Aleksej depuis des mois, elle avait réussi à le lui faire dire en quelques semaines. Est-ce qu’il devait être inquiet ou au contraire, s’en réjouir ? Et voilà que les questions recommençaient. Quand il avait pris ses distances avec elle, elle avait fait ses bagages. Ou était le juste milieu ? Il n’en avait aucune idée.

« On a le temps… on va déjà laisser passer cette semaine et puis voir ensuite comment se passent le retour « à la normale »… »

Il avait mimé un geste des mains pour exprimer le mot « normal ». Ce n’était pas la peine d’en rajouter à ce sujet. Il sentait qu’il avait fait le tour. À vrai dire, il n’avait plus envie d’en parler. Il lui sourit avec tendresse en l’entendant lui dire qu’elle ne pouvait pas s’empêcher de le couver. Et dire qu’elle avait dix ans de moins… Mais que voulez-vous, l’instinct maternel ne se contrôlait pas. Il s’approcha d’elle pour déposer un baiser sur sa tempe.

« Tu ferais mieux de chercher un peu moins à me couver et de me laisser un peu plus prendre soin de toi… Tu as mis au monde un être humain… autant dire une petite pastèque… que tu as porté pendant 8 mois… tu as le droit d’être un peu fatiguée… Personne ne te le reprochera. »

En parlant de petite pastèque, c’est le moment précis où des pleurs s’élevèrent de la chambre. Les yeux d’Aleksei s’ouvrirent en grand, un sourire timide commençait à se dessiner sur son visage. Il laissa Callie rejoindre la chambre pour nourrir son nourrisson et en profita pour retourner auprès de Brayon. Les deux garçons jouèrent et discutèrent encore un moment jusqu’à ce que la jeune femme ressorte de la chambre, le petit bout emmailloté contre elle. Brayon fit un clin d’oeil à Aleksej et d’un signe de la tête l’incita à les rejoindre. Il allait enfin rencontrer Jaime.