Oui, une nouvelle étoile est née. Laquelle ? Et bien moi, évidement ! Maman me le répétait sans cesse, lorsque nous chantions à tue-tête, à toutes occasions, dans toute la maison, et à toutes heures de la journée. Maintenant que j'y pense, je plains mon père et ma sœur. Surtout cette dernière en fait. Une fois entrée dans adolescence, elle piquait de méchantes crises, hurlant qu'elle en avait "ras-le-c**" de nous entendre, et qu'elle quitterait cette maison de fou dès qu'elle le pourrait. Ce qu'elle fit d'ailleurs, juste après le lycée. Quant à mon père, il était moins à plaindre car il était lui aussi musicien. Il nous accompagnait volontiers sur son piano (seul objet de valeur de la famille) quand il était de bonne humeur.

Nous vivions dans la petite maison, délabrée et exigüe, d'un quartier pauvre de Oakdale, à la périphérie ouest de la ville. J'ai toujours vu mes parents se démener pour essayer de nous offrir une vie la moins misérable possible. Cumulant chacun deux boulots. Mon père était mécanicien le jour, et pianiste la nuit. Il faisait la tournée des bars, pubs, restaurants qui acceptaient de louer ses services pour divertir leurs clients. Régulièrement, ma mère le rejoignait au chant, augmentant alors un peu plus le prix de la prestation, et seulement lorsqu'ils parvenaient à trouver un mode de garde pour ma sœur et moi. Le jour, ma mère était serveuse dans un petit diner situé le long de la grand route, à la sortie de la vile.

Mon père avait deux passions : Les Harley Davidson (et surtout la sienne, qu'il chouchoutait dès qu'il en avait l'occasion) et Elvis Presley. Ce fut donc tout naturel pour lui d'appeler ses filles Harley et Elvis. Ma mère ne s'y est pas opposée. D'un caractère clame et posé, elle lui laissait absolument tout passer. Tant qu'elle se sentait respectée et aimée (et elle l'était), cela lui suffisait.

J'ai vécu une enfance heureuse et simple dans cette petite ville de Louisiane. Et je ne remercierai jamais assez mes parents pour tout ce qu'ils ont fait pour nous. Ils sont aujourd'hui toujours vivants. Ils ont vieilli et ne peuvent plus travailler aussi dur qu'avant pour survenir à leurs besoins. Alors ma sœur et moi leur envoyons régulièrement de l'argent (Harley beaucoup plus que moi car elle gagne bien mieux sa vie) pour qu'ils continuent de vivre dignement.



Ce fut ma sœur, qui, la première, décida de quitter la Louisiane pour New-York. Brillante et ne récoltant que des A, elle décrocha une bourse pour étudier le droit à l'Université de Colombia. Elle fut ainsi la première de sa promotion, et décrocha, dès sa sortie de la fac, un poste de rêve dans l'un des plus prestigieux cabinet d'avocats de la ville.

Elle me proposa alors de me payer des études dans cette même fac et de venir la rejoindre. Je n'ai pas pu refuser. Je voyais là, à l'époque, une occasion formidable qui me rapprochait un peu plus de mon rêve : la célébrité. Car c'était pour moi ma seule et unique ambition. Fouler les plus grandes planches du monde entier, et chanter devant une foule entière. Bref, devenir une vraie star, et pas uniquement aux yeux de ma mère. Bien qu'elle fit la grimace, Harley a accepté de m'inscrire pour une licence d'Histoire de la musique. Elle aurait préféré que j'étudie le droit, tout comme elle. J'ai décroché le diplôme de justesse. Je n'ai jamais été assidue et douée pour les études. Plutôt que d'aller en cours, je préférais chanter, boire et danser dans les pubs de la ville, avec l'argent de poche qu'elle me donnait. Je passais des auditions dès que j'en avais l'occasion, mais sans succès. Cela l'agaçait régulièrement mais elle continuait de m'entretenir.

Qu'en j'y repense, je m'en veux terriblement et j'ai honte de ce comportement que j'avais à l'époque. Je comprends qu'elle ne me m'ait pas encore pardonnée.



C'est dans ces conditions sommes toutes puériles, que j'ai rencontré le grand amour. Je parle de l'amour avec un grand A. Passionné, acharné, mais aussi destructeur... J'ai rencontré Scott lors d'une de mes nombreuses beuveries. J'aime à croire qu'il était tombé tout aussi follement amoureux de moi, même si j'ai du mal à le croire aujourd'hui, à l'époque, j'y croyais fermement. Il était aussi fou et joyeux de vivre que moi.

Nous nous sommes trouvés, et depuis, nous ne nous sommes plus quittés. Tout aussi passionnés l'un l'autre, nous alternons régulièrement des périodes joyeuses et agréables ensemble, et des périodes de déchirement où notre couple pourrait voler en éclat d'un claquement de doigt. Nous ne sommes pas fidèles, ni lui ni moi (je tiens à dire que c'est lui qui a commencé ! Na ! ) ... Mais tout cela nous le cachons à notre fille pour essayer de lui montrer malgré tout le bon exemple.

Il est pour ainsi dire un bon père ... il aime passer du bon temps avec sa fille. Le seul hic ? Il me laisse tout le "sale" boulot de la parentalité. Il n'accepte que ce qui est cool et me laisse faire tout le reste : les couches, le ménage, la bouffe, les courses, ... gérer les caprices, les pleurs ... bref, toutes les joies de la maternité, c'est pour bibi. Pendant que lui, il se prélasse dans le canapé devant la télé, avec une bière dans une main et l’autre dans le pantalon ... ou alors pendant que lui, sort avec ses copains (les soirs où je ne travaille pas) et va se taper quelques filles au passage.

Joyeux non ?



Même si j'y trouvais mon compte au début, je n'en peux plus de cette situation. Mais je suis en quelques sortes "bloquée" avec lui. Son salaire représente tout de même la moitié du revenu de notre foyer (à quelques dollars prêts, selon mes pour-boires) et même avec ça, nous finissons difficilement les fins de mois. Lui, mécanicien dans un garage à côté de chez nous, moi cumulant deux boulots comme mes parents avant moi : serveuse dans le Hard Rock Cafe de Times Square le jour ; pianiste ou guitariste (en fonction de l'envie de mon patron) certaines nuits dans un restaurant chic du Lower Manathan (vous savez, ce genre de resto situé au somment d'un grand building).