1989.

Un cri poussé en plein milieu d'une rue, assez pour alerter les passants qui pourtant, n'ont prêté guère attention à l'évènement en train de se produire. C'est comme ça que tu es née, dans une rue de New-York, en pleine nuit. Tu n'étais pas la plus désirée des enfants, tu étais l'erreur alors que ta mère accouche seule, dans la nuit et le froid, ce n'était pas vraiment surprenant. Si tu avais pu mourrir cette nuit là, à peine née, ça aurait sans doutes été une aubaine pour elle. Mais ça n'a pas été le cas, tu as vécu, survécu même et c'était une bonne chose. Une bonne chose que tu ne restes pas avec elle en tout cas, une bonne chose qu'elle ait la lucidité d'esprit de te déposer devant une caserne de pompiers qui n'ont pas mis longtemps à te trouver, alerter par tes cris. Il n'y avait qu'un mot, ta date de naissance, même pas de nom, rien. Tu n'étais qu'une anomalie dans le système, une erreur et si tu avais été en âge de comprendre, tu l'aurais sans doutes ressentis. C'est comme ça que tu as été placé dans un orphelinat alors que tu n'avais que quelques jours, après un séjour à l'hôpital pour veiller que tout aille bien pour toi. Oui, c'est comme ça que ton cauchemar à commencé.


1995.

Six ans, voilà le temps que tu as tenu dans ta première famille d'accueil. Autant dire un exploit quand on sait combien tu étais une enfant difficile. Toujours dans le défi, à ne jamais vouloir faire les choses comme on te le demandait. Et ce comportement a finis par avoir raison de cette famille, pourtant très gentille, qui t'avait accueillis. C'est vrai que toi, tu n'avais rien demandé, tu n'avais pas demandé à être abandonné, même pas à naître. Simple concours de circonstances, tu ne sais pas si ça a réellement un rapport et pourtant, c'est que tous semblent croire. Tu es encore jeune, tu ne comprends pas tout mais ça ne t'empêche pas de les entendre parler dans ce bureau alors que tu te trouves à l'extérieur, assise sur l'une des chaises.
enfant turbulente c'est pas totalement faux mais quel enfant n'a pas besoin de se dépenser et courir un peu partout jusqu'à l'épuisement le plus total ?
aucun respect ça c'est peut-être un peu de leur faute, ils ne sont pas non plus un grand modèle de vertu.
mauvaise influence et voilà comment on te voit en fin de compte. T'es l'adoptée alors c'est forcément de toi que viendra la mauvaise influence sur les enfants qui sont les leurs.


1999

Fais pas ci, fais pas ça, range ta chambre, sois polie. Si tu n'entends pas ces mots une bonne demie-douzaine de fois par jour, c'est que quelque chose ne va pas. Dix ans, et tu es déjà la rebelle parfaite, c'est qu'on voit comme étant la délinquante assurée et assumée. En fait, c'est totalement ce que tu es et c'est pour ça que tu ne déments jamais, ça ne servirait pas à grand chose. Le sourire qui déforme tes lèvres n'est ni joyeux, ni triste, il est pas simple, il est hautain, il est juste fière parce que tu sais que tout ce que tu fais, c'est pour les agacer et les mettre hors d'eux une fois de plus. Cette famille, c'est juste une de plus sur la liste, une que tu n'aimes pas du tout en réalité et c'est peut-être pour ça que tu fais tout pour qu'ils te renvoient à l'orphelinat. Tu n'as pas demander à ce qu'ils te prennent, tu n'as pas demander à être ici alors s'ils pouvaient réaliser qu'ils ont fait une erreur, ça serait bien, autant pour toi que pour eux. Surtout pour eux en réalité car toi, tu n'es pas prête de te lasser, eux, ils pourraient vivre encore pire à s'entêter à te garder. Tu as des ressources, beaucoup d'imagination aussi, sans doutes bien plus qu'eux n'ont de patience.

2004

Ca risque de ne pas se finir dans l'amusement, pour eux en tout cas. Toi, t'as ta veste balancée à la va vite par dessus ton épaule, t'as ton sac en bandoulière qui cogne contre tes cuisses dénudées. Bottines et short, haut qui laisse peu de place à l'imagination, c'est la Cassidy de quinze ans, celle sans complexe, celle qui s'assume et qui fait ce qu'elle veut. En bref, la Cassidy qui ne va pas en cours et qui n'en éprouve aucune honte. Enfin, tu y vas parfois, tu fais acte de présence, c'est toujours mieux que rien mais seulement quand tu l'as décidé, et si ce n'est pas huit heures du matin. Faut pas non plus déconner, tu veux bien être gentille mais tu as aussi tes limites. Alors quand tu rentres chez toi, quand tu vois les regards sévères posés sur toi, tu ne peux faire autrement que de sourire, t'amusant de cette autorité à laquelle tu refuses d'obéir. Tu chanterais presque si on t'en donnait l'opportunité, t'es comme cette fille qu'on voit dans les comics, celle qui a ses deux couettes, celle qui est totalement cinglée mais qu'on aime pour ça. T'es la Harley Quinn des temps modernes, faut croire que ça te plait. « Où est-ce que tu étais Cassidy ? Ca fait trois jours que tu n'es pas rentrée. » Comme si c'était la première fois que tu faisais. Ni première, sûrement pas dernière, ça t'amuse beaucoup trop mais qu'est-ce que tu peux leur dire de toute façon, que tant qu'ils auront pas fait ce que tu attends, tant qu'ils ne t'auront pas renvoyé à l'orphelinat, tu ne t'adouciras pas ? C'est tentant, inconcevable pourtant. « Je faisais le tapin. Pas de panique, je fais ça en bonne et dû forme. » Et te voilà montant les marches d'escaliers pour rejoindre ta chambre, t'affaler sur ton lit avec un sourire sur tes lèvres.


2007

Qui aurait un jour imaginé que toi, Cassidy Jennings aurait ton diplôme ? Encore hier, c'était encore inconcevable, même pour toi d'ailleurs. Tu n'allais pas en cours, tu faisais tout pour échouer mais c'est à croire que ça n'est pas suffisant, c'est à croire surtout qu'on ne peut plus de toi dans ce lycée et de ta mauvaise influence. Est-ce que ça surprend les gens que tu te pointes à la remise de diplôme avec une heure de retard et sans porter la tenue conventionnelle ? Sûrement pas. Défier les lois, les règles, tu le fais depuis ton plus jeune âge parce que c'est plus facile que d'affronter cette vie qu'on t'a imposé. Voilà comment tu en es arrivée là, à tout faire pour agacer chaque personne essayant d'avoir de l'autorité sur toi. Ca ne fonctionnait déjà pas quand tu avais six ans alors à dix-huit ans, c'est encore pire, c'est certain. Mais toi, ça t'amuse et le sourire, tu le gardes alors que tu entres dans la pièce, le regard droit devant toi, le pas sûr qui te mène à ta chaise, celle qui est libre, la seule. On appelle ça une entrée remarquée, une entrée comme tu les aimes, comme tu sais si bien les faire aussi.


2013

Sulpicia. Poétesses romaines, rien à voir avec toi, c'est certain. Toi, tu jures, tu ne manies pas les mots comme certain savent le faire. Un peu trop claire dans tes idées, directe dans tes pensées, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais Sulpicia, aujourd'hui, c'est toi malgré tout, c'est ce nom que tu as pris dans ce monde que tu as choisis. Certains choisissent de devenir médecin ou avocat, toi c'est la prostitution la voie que tu as suivit. C'est triste pour certain mais toi, t'as jamais été autant dans ton élément. Faut dire que tu n'as jamais été poussé hors de cette voie, ils ont jamais su y faire avec toi alors un jour où l'autre, c'était presque évident que tu irais au fond des choses, que tu ferais l'impardonnable si on peut appeler ça ainsi. Pourquoi faire le tapin serait moins reconnu que le secrétariat après tout ? Pourquoi une pute ne serait pas aussi fréquentable qu'un médecin ? En fait, tu t'en fous de la renommée, tu t'en fous de tout ce qu'il y a autour, toi tu voulais juste leur prouver une dernière fois qu'ils n'avaient aucune emprise sur ta vie, tu voulais juste leur montrer qu'ils pourraient toujours essayer, tu serais toujours mettre de ton destin.


2016

Parfois, il fait se rentrer à l'évidence, il faut savoir réaliser que les choix fait pendant un temps, ne convienne plus au présent. Il t'en a fallut du temps, il a fallut le déclic surtout car ta vie de prostituée n'était pas si mal en fin de compte si on mettait de côté le négatif. C'était ta vie, voilà tout et tant qu'elle te convenait, tu n'avais pas de réelles raisons de vouloir en changer. Mais tu as réalisé que ça n'était plus pour toi, peut-être parce que tu n'as plus l'âge pour ça, parce que tu as besoin de plus et ce plus, il n'y a pas grand monde qui pourra te l'apporter. Ce plus, tu es allée le chercher auprès de Silvia, elle était comme toi, plus ou moins. T'as jamais réellement su ce qu'elle était, juste que tu pouvais aller la voir si t'avais le moindre problème. Et c'est comme ça que tu t'es pointée devant sa bijouterie, c'est comme ça que tu lui as demandé de t'aider il y a déjà plus d'un an. Aujourd'hui ? Elle n'est plus là. Elle est partit et tu ne sais pas où, tu ne sais pas si elle va revenir non plus. La seule chose dont tu as conscience, c'est qu'elle t'a laissé sa bijouterie, qu'elle a toi sur les papiers désormais. La bijouterie et la boîte d'escort.


2019

Il a bien fallu te rendre à l'évidence, Silvia ne reviendra pas et son empire, si on peut appeler ça ainsi te revient ainsi. Mais ça ne te dérange pas, au contraire même. Elle t'a aidé à y voir plus clair et voilà qu'elle t'offre une nouvelle vie à laquelle tu ne sais pas refuser. Cette bijouterie, il te faut en prendre soin, il te faut la chérir et la faire prospérer car elle n'entretient pas que toi, elle n'est pas essentiel qu'à la bonne tenue de ton compte en banque. Non cette bijouterie assure du travail à une dizaine de filles, escorts. Elles sont tes filles qu'elles le veuillent ou non et tu ne compte pas t'arrêter à ça, tu comptes apprendre, maîtriser ce monde qui ne t'es pas entièrement méconnu.